IGNES signe avec les acteurs de la filière électrique une lettre ouverte demandant aux parlementaires d’opter pour une politique fiscale cohérente en ligne avec cet objectif et d’engager une réforme structurelle de la fiscalité des énergies.
Si un budget responsable est nécessaire et qu’il est compréhensible de sortir du bouclier tarifaire, cette augmentation au-delà du niveau d’avant-crise adresse aux Français un signal contraire à l’objectif d’électrification des usages.
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Au cours des derniers mois, la facture d’électricité s’est régulièrement trouvée au coeur de l’actualité, dévalorisant de fait les atouts du système électrique français et de ses acteurs.
L’électricité constitue un des piliers de la stratégie énergétique de la France pour garantir notre souveraineté, notre trajectoire climatique et répondre aux enjeux de pouvoir d’achat et de compétitivité.
Les énergies fossiles, qui nous rendent dépendants du contexte géopolitique, représentent encore deux-tiers de notre consommation nationale d’énergies finales et pèsent lourdement sur notre balance commerciale avec des importations énergétiques qui s’élèvent chaque année à plus de 65 milliards d’euros.
La loi de finances pour 2024 a entamé la sortie du bouclier tarifaire pour toutes les énergies, avec dans un premier temps une augmentation de l’accise électricité, passant pour les ménages de 1 €/MWh HT à 21 €/MWh HT au 1er février 2024.
Le projet de loi de finances pour 2025 qui a été présenté la semaine dernière prévoit finalement que le tarif de l’accise pourra être compris entre 30 €/MWh HT et 50 €/MWh HT, dépassant ainsi très largement le niveau d’avant crise.
Pour rappel, la facture d’électricité est structurée autour de trois grandes composantes :
– Le coût associé à la fourniture d’électricité, couvrant notamment les coûts de production, d’approvisionnement et de commercialisation de l’électricité ;
– Le coût associé à l’acheminement de l’électricité, qui vise à rétribuer l’utilisation des réseaux électriques ainsi que les investissements nécessaires à travers le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE) ;
– La fiscalité de l’électricité, constituée de deux taxes spécifiques (accise sur la consommation et CTA) auxquelles s’applique la TVA.
Cette fiscalité qui représente d’ores et déjà près d’un tiers du montant total de la facture d’électricité, pourrait en constituer demain le premier poste, induisant que les consommateurs d’électricité contribuent plus au budget de l’Etat qu’au bien et service qu’ils consomment.
Alors que notre pays est confronté à une situation politique et budgétaire inédite, le projet de loi de finances pour 2025 que vous examinerez dans les prochaines semaines devra acter des efforts nécessaires pour engager le redressement des comptes publics.
Dans cette perspective, le projet présenté par le Gouvernement entend procéder à une augmentation globale de l’accise de l’électricité à un niveau jamais atteint jusqu’ici, ce qui constituerait un contresens écologique.
En effet, au-delà des enjeux de décarbonation et de souveraineté, l’électrification des usages constitue, aux côtés de la sobriété et des autres énergies décarbonées, un des leviers de réponse aux enjeux de pouvoir d’achat et de compétitivité : les technologies électriques décarbonées (véhicules électriques, pompes à chaleur, systèmes de pilotage et de flexibilité, électrification indirecte via l’hydrogène décarboné, systèmes électriques pour l’industrie…) sont des vecteurs d’efficacité climatique et contribuent à la baisse de la facture énergétique globale.
De plus, cela conduirait à remettre en cause la politique industrielle sous-jacente aux enjeux de décarbonation et à fragiliser l’ensemble des acteurs économiques, des industriels aux artisans, qui portent ces stratégies dans nos territoires.
Encourager les Français à s’équiper et électrifier leurs usages ne peut se faire avec une fiscalité de l’électricité qui augmente décourageant de fait les changements d’énergie dans les usages finaux. Si les Français ne peuvent avoir confiance dans des choix en faveur d’une électrification massive de leurs usages, notre dépendance aux énergies carbonées persistera, nous éloignant d’autant de nos objectifs de décarbonation.
Le contexte politique et budgétaire sans précédent dans lequel vous exercez votre mandat ne doit pas nous faire perdre de vue la portée et les conséquences des décisions que nous prenons aujourd’hui. Il est donc primordial de disposer d’une politique fiscale cohérente avec nos objectifs de transition énergétique et partant, de prendre en compte la facture énergétique dans sa globalité en engageant une réforme structurelle de la fiscalité des énergies. Pour cela, il convient d’acter des choix collectifs stables et ambitieux pour faire de l’électricité, d’ores-et-déjà décarbonée, une énergie compétitive face aux énergies fossiles.
Nous sommes convaincus que le Parlement saura se saisir de ces enjeux afin de préserver le pouvoir d’achat des Français et engager les transformations qu’appelle une transition énergétique juste et durable.
Vous pouvez compter sur notre soutien et notre implication pour réussir la transition énergétique.