IGNES signataire d’un appel collectif pour un cadre européen garantissant la conformité des produits vendus par les plateformes en ligne

Combler les lacunes : appel à un renforcement des règles européennes pour un commerce électronique plus sûr et plus équitable

Nous, 64 ONG de protection de l’environnement et des consommateurs, organisations industrielles, de vente au détail et de vente en gros, appelons les décideurs politiques de l’UE à combler de toute urgence les lacunes réglementaires persistantes en matière de commerce en ligne via les places de marché en ligne.

Avec la croissance rapide du commerce électronique, ces plateformes sont devenues des facilitateurs essentiels du commerce électronique en provenance de pays tiers, notamment en mettant en relation les consommateurs de l’UE avec des vendeurs tiers situés en dehors de l’Union européenne. Dans de nombreux cas, cela conduit les vendeurs à contourner le système du marché intérieur qui exige qu’un opérateur dans l’UE s’assure que tous les produits et emballages mis sur le marché de l’UE sont sûrs et conformes à la législation européenne. À l’approche de la période des achats de Noël et des fêtes de fin d’année, ainsi que des grands événements commerciaux tels que le Black Friday, le risque d’un afflux massif de produits non conformes sur le marché de l’UE devient encore plus grand.

Nous devons également reconnaître l’intrusion croissante des publicités dans les résultats des moteurs de recherche. En raison des récents changements dans les politiques tarifaires américaines, de nombreux efforts de marketing ont été réorientés vers l’Union européenne, ce qui a entraîné une augmentation significative des dépenses publicitaires dans toute la région et a de nouveau accru le risque d’une augmentation massive des produits non conformes inondant le marché de l’UE.

Le volume des importations directes des consommateurs en provenance de pays tiers continue d’augmenter, avec 4,6 milliards de petits colis (c’est-à-dire d’une valeur inférieure à 150 euros) entrant sur le marché de l’UE, comme l’a indiqué la Commission européenne dans sa communication de février intitulée « Communication sur le commerce électronique : une boîte à outils complète de l’UE pour un commerce électronique sûr et durable » . Avec l’augmentation de ce nombre, le nombre de produits non conformes entrant sur le marché de l’UE via les places de marché en ligne augmentera également. Ces produits enfreignent fréquemment les réglementations de l’UE en matière de sécurité des produits, de durabilité environnementale, de droits de propriété intellectuelle et de systèmes de responsabilité élargie des producteurs (REP), entre autres domaines politiques.

Une question clé, identifiée par les autorités de surveillance du marché, les acteurs du secteur et la société civile, est que les places de marché en ligne ne sont actuellement pas reconnues comme des opérateurs économiques au sens du droit de l’Union européenne. Elles sont donc exemptées de toute obligation proactive de diligence raisonnable visant à vérifier la conformité des produits vendus sur leurs plateformes. Elles ne sont tenues d’agir que si elles sont informées d’une éventuelle non-conformité.

Ni la loi sur les services numériques (DSA), ni le règlement général sur la sécurité des produits (GPSR), ni le cadre du pacte vert n’ont comblé efficacement cette lacune dans la législation. En conséquence, les places de marché en ligne peuvent faciliter la vente de produits non conformes provenant de vendeurs non européens à des consommateurs européens, avec une responsabilité minimale en matière de sécurité, de légalité ou d’impact environnemental de ces produits. Plus récemment, bien que le Parlement européen ait
reconnu le problème dans son rapport d’initiative sur les importations de l’UE, il s’est abstenu de lancer un appel clair pour combler les lacunes juridiques existantes.

Afin de préserver l’intégrité du marché intérieur de l’UE et de garantir l’efficacité de la législation européenne, il est essentiel que les places de marché en ligne se voient imposer des obligations plus claires et plus strictes. En comblant cette lacune juridique, l’UE peut créer un cadre réglementaire plus cohérent, plus applicable et plus pérenne, qui garantit que tous les acteurs donnant accès à des produits sur le marché intérieur, indépendamment de leur emplacement physique ou de leur modèle économique, respectent les mêmes normes élevées en matière de sécurité, de durabilité et d’équité.

Principales recommandations pour renforcer la responsabilité des places de marché en ligne et la conformité des produits dans l’UE :

  • Un opérateur économique obligatoire dans l’UE pour la conformité des produits : il devrait exister une obligation légale garantissant que chaque produit vendu dans l’UE dispose d’un opérateur économique identifiable établi dans l’UE, responsable de sa conformité (y compris son emballage) avec la législation européenne.
  • La reconnaissance des places de marché en ligne en tant qu’opérateurs économiques : les places de marché en ligne devraient être définies comme les acteurs qui mettent des produits sur le marché lorsque le vendeur est situé en dehors de l’UE ou ne peut être joint. Cette reconnaissance peut être obtenue soit par une harmonisation horizontale de la législation (règlement omnibus), soit par une révision de la section 4 de la DSA afin d’aligner les obligations des places de marché sur celles des importateurs telles qu’elles sont exprimées dans des législations telles que le GPSR, l’écoconception (ESPR) et le nouveau cadre législatif (NLF). La prochaine révision du règlement sur la surveillance du marché (MSR) devrait également reconnaître formellement ce rôle dans son article 4.
  • Obligations renforcées pour les places de marché en ligne. Elles doivent :
    – Vérifier, par le contrôle des documents et des échantillons, que les produits vendus sur leurs plateformes sont conformes aux règles de l’UE ou sont liés à un opérateur économique enregistré dans l’UE ou l’EEE.
    – Appliquer strictement les exigences en matière de traçabilité des vendeurs.
    – Identifier et prévenir les pratiques illégales répétées des opérateurs économiques frauduleux.
    – Des obligations de vérification spécifiques devraient être incluses dans la législation, telles que :
    > Vérification des étiquettes énergétiques requises dans le cadre de l’écoconception.
    > Confirmer l’enregistrement au titre de la responsabilité élargie des producteurs (REP).
    – Avoir la responsabilité de vérifier la conformité de leurs partenaires à la REP (comme en Allemagne, en France et en Espagne) et être autorisés à assumer les responsabilités de la REP (enregistrement, déclaration, paiement) au nom de leurs partenaires si ceux-ci y consentent. Jusqu’à ce qu’une telle obligation soit établie, les mesures proactives prises par les plateformes en ligne devraient être facilitées.
    – Être tenu responsable, y compris financièrement, du respect de toutes les obligations liées à la REP, y compris le paiement des redevances REP et des amendes infligées lorsqu’aucun autre opérateur responsable n’est présent ou joignable dans l’UE.
    – Pouvoir compter sur une collaboration accélérée des autorités réglementaires et d’enregistrement, en particulier lors de l’évaluation des propositions des organisations de responsabilité des producteurs et des places de marché en ligne en matière de solutions de conformité collective.
  • Amélioration de la traçabilité des produits et des vendeurs :
    – La traçabilité des produits doit être renforcée en intégrant les bases de données existantes de l’UE (par exemple, SCIP, EPREL, ICSMS) au passeport numérique des produits.
    – L’interopérabilité doit être privilégiée par rapport à la création de nouvelles bases de données afin de renforcer la surveillance du marché et l’infrastructure de conformité.
    – Les exigences en matière de traçabilité des vendeurs, telles que stipulées à l’article 30 de la loi sur les services numériques, doivent être strictement mises en œuvre et appliquées.
  • Renforcement des contrôles douaniers pour les importations de petits colis :
    – Le concept d’ « importateur présumé » dans la réforme du code des douanes de l’Union devrait être rapidement adopté et rendu effectif dans la pratique.
    – La suppression de la règle de minimis est une mesure cruciale pour lutter contre la concurrence déloyale des pays tiers et doit être mise en oeuvre dès que possible. Si nécessaire, elle devrait être dissociée de la réforme générale du code des douanes de l’Union.
    – L’importateur présumé veillerait à la conformité du produit et de l’emballage avec les règles de l’UE, améliorant ainsi la surveillance des importations de petits colis et s’exposant à des sanctions en cas de non-conformité.
    – Nous saluons l’intention qui sous-tend l’introduction de frais de traitement pour les colis de faible valeur. Cependant, nous pensons que ces frais minimes ne permettront pas d’endiguer le flux de produits non conformes et risquent de devenir une taxe permettant l’entrée de ces produits dans l’UE.
  • Renforcement de l’application des règles existantes de l’UE : compte tenu du volume considérable de produits entrant sur le marché par le biais des places de marché en ligne, il est
    essentiel d’allouer beaucoup plus de ressources aux autorités de surveillance du marché et aux autorités douanières et d’encourager une coopération accrue entre ces entités. L’étude de la création d’un organisme d’application dédié au niveau de l’UE4 est la bienvenue. Il convient de mettre l’accent sur l’application de la réglementation aux vendeurs non européens et aux places de marché en ligne qui vendent directement aux consommateurs de l’UE, avec la possibilité de bloquer les colis et/ou l’interface des places de marché en ligne et des sites des vendeurs qui ne respectent pas la réglementation.

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